De la censure et des rois

Peut-être ne l'avez vous pas remarqué - car, sans doute, cela relève plus de l'enquête que de la curiosité - mais vous découvrez chacun de mes articles dans sa version non censurée. Comme il est de coutume dans chaque entreprise de presse, chacun de mes articles est relu avant d'être publié. Alors que je n'ai publié que quelques textes jusqu'à présent, ils ont, pour la plupart, subi une modification après mon point final. J'en suis, il est vrai, l'unique responsable puisque nous sommes soumis à une limite en termes du nombre de caractères (l'utilité d'une telle mesure sur un médias qui ne connait, lui-même, aucune limite dimensionnelle me laisse perplexe et mérite d'être le thème d'un débat ultérieur). Je n'ai pas respecté cette règle et comme tout coupable j'ai mérité d'être puni. Et avouez qu'il est des meilleures punitions que de voir un texte, signé par sa plume, transformé en un objet dont la signification est erronée ou, au moins, inexistante. J'ai bien entendu manifesté, d'abord violement, puis en réalisant qu'il ne s'agissait pas là d'un acte "despotique", j'ai tenté d'obtenir des explications. Vaste projet donc, qui attendait mon interlocuteur. Recouvert par les décombres d'une montagne infranchissable, il a sans doute lui-même renoncé à m'avouer ses pensées, préférant évoquer un malaise de communication.
Alors bien sûr, je n'écris pas au "Monde", ce geste n'a pas modifié le cours d'une guerre (quoique?), il n'y a pas eu mort d'homme comme le souligneraient les avocats des rois médiatiques et, au pire des cas, seul mon ego ressortirait de cette affaire avec quelques commotions.
Alors je pose une question. Qu'y a-t-il de plus gros qu'un ego de journaliste?
A en juger par l'état de la blogosphère, pas grand chose.
C'est donc par cette entremise que je me suis immiscé dans le combat contre la censure, et c'est à ce propos que j'aimerais livrer mes craintes.
Je m'inquiète quand je vois que le nouveau pouvoir recrute des journalistes, je m'inquiète quand je vois Berlusconi racheter Endemol ou Thomson racheter Reuters, je m'inquiète enfin lorsque je vois le carnet d'adresse de notre tout nouveau président.
Considérer que la censure n'existe pas relève plus de l'aveuglement radical que de l'ouverture d'esprit, il est là des valeurs universelles auxquelles, par définition, tout le monde se plie, et la liberté d'expression en est une. Malheureusement le besoin de censurer est trop grand pour qu'un Homme y étant confronté, refuse d'y succomber. Ce serait comme un enfant coincé dans une confiserie pendant toute une nuit, la question ne serait pas de savoir s'il a volé des bonbons, non, il serait de la logique humaine de savoir d'abord s'il est mort d'indigestion.
Alors évidement, que Berlusconi décide de mettre du cerveau français à disposition des annonceurs, que Ruppert Murdock complète sa collection personnelle ou que le téléphone portable de M.Sarkozy soit plus précieux qu'un diamant, je le conçois. Il est des fois ou il faut faire preuve de réalisme ou plutôt de lucidité. Ce que j'ai plus de mal à concevoir, c'est pourquoi j'ai attendu de subir pour réagir, pourquoi je ne me suis pas offensé plus tôt. Et bien vouyez-vous, je pense qu'il n' y a rien de figé, il n'y a pas "le Roi ET sa cours", il n'y a pas les ratés qui regardent la boite magique et les autres qui tirent les ficelles. Tout ceci est une méthode de propagande grossière, visant museler les cerveaux ramolis. C'est le premier frein à l'égalité. Et comme pour le faire exprès, c'est également le premier frein à la liberté. Il me semble que ce sont là deux principes qui n'existent pas dans le discours du pouvoir en place.
De la censure est des rois, c'est l'histoire d'un pouvoir et de ceux qui s'en servent sur nous, allons enfants, il ne nous reste plus qu'une seule arme, le boycotte de la censure, nous n'avons pas le droit de renoncer à cette liberté là, à quelque échelle que ce soit.